fabriquer une sanza
fabriquer une sanza
En guise de préambule
Il est très gratifiant de jouer un instrument que l'on a construit soi même, après l'avoir imaginé. Développer l' "intelligence de la main", la créativité, la connaissance des matériaux, des outils et des processus permettant d'arriver au résultat imaginé sont des composantes essentielles pour l'équilibre et l'épanouissement d'un être humain.
Malheureusement les cycles scolaires aujourd'hui, sauf en maternelle, négligent totalement cette donnée, immobilisme ou volonté politique de rendre les gens dépendants des circuits de consommation.
Cette page vous aidera peut-être à concrétiser cette envie de faire, tel est son but.
Des sanzas
La sanza , répandue dans toute l' Afrique et jusqu'aux Caraïbes peut se concevoir de mille manières , du petit likembé bijou au Congo à la marimbula cubaine sur laquelle on s'assoit pour jouer. Aussi les lignes qui suivent ne décrivent pas la fabrication d'une sanza imposée, mais tentent de donner des conseils et des pistes afin que vous puissiez réaliser votre instrument. N' ayez surtout pas peur d'essayer et même d'échouer, car chaque essai sera riche d'enseignements sur ce qu'il faut faire et ce qu'il ne faut pas faire. En dernier recours, vous pouvez me poser des questions, j'essaierai d'y répondre...
La sanza est essentiellement composée d'un clavier de lames accordées sur un résonateur , vous verrez ci dessous les éléments qui la composent:
Le résonateur
Le résonateur le plus simple pour une sanza est une planchette, de 17 par 10 cm et 2 cm d'épaisseur par exemple pour un instrument à 11 lames. Le son produit n'est évidemment pas très puissant, mais le timbre est léger et cristallin, pourvu que l'on emploie un bois relativement dur (le hêtre, merisier, frène, noyer,...).
Pour plus de volume sonore, un résonateur creux s'impose, toutes sortes de boites en bois sont utilisables, le modèle étant la boite à cigares. Vous pouvez aussi construire la boite vous même avec des tasseaux plats, 3 x 1 cm et des planchettes ou du contreplaqué.
Intéressants aussi les résonateurs "ready made" que sont une demi noix de coco ( il faut alors l'ouvrir a la scie dans le sens de la longueur), une demi calebasse qu'on peut trouver dans les boutiques de produits africains, ou une boite de conserve, le modéle présenté ci-dessous est monté sur une boite de Pilchards...
La table d'harmonie
Le meilleur matériau pour la table d'harmonie est le bois, dont l'essence influe nettement sur le son: un bois tendre comme l'épicéa (le bois de construction "ordinaire" est souvent de l'épicéa) donnera de bonnes basses, mais les notes aigues auront tendance à sonner trop sec, alors qu'un bois plus dur comme le hêtre, chêne, acacia, érable, frêne, donne plus de sustain aux notes aigues et moins de profondeur aux notes graves.
L'épaisseur de la table est importante aussi, elle ne doit pas être trop fine, contrairement aux tables de guitares, car elle doit encaisser et transmettre la vibration de lames et non de cordes. Pour une sanza comme la photo ci dessus, qui reçoit des lames de 3 x 1 mm, la table doit mesurer entre 4 mm (bois dur ) et 6 mm ( bois tendre)
Vous pouvez aller voir le menuisier du coin et lui demander votre planchette, ou commander chez les fournisseurs des luthiers, chers mais vous y trouverez la meilleure qualité. Voir les liens.
Une bonne solution si vous ne disposez pas de bois d'œuvre est de trouver des chutes de lambris large, qui a souvent la bonne épaisseur et une largeur suffisante. Le contreplaqué peut aussi faire l'affaire, mais le son n'y gagnera pas en qualité...
Pour découper la table, plusieurs solutions: la scie à chantourner, électrique ou manuelle, la scie sauteuse avec une lame à chantourner (étroite).
Pour une calebasse ou une demi noix de coco, la table sera collée sur le résonateur, posez votre résonateur sur la planche, tracez le contour (fibres du bois dans la longueur de la table) et découpez au plus près à l'extérieur du trait de traçage. Pour une boite de conserve, la table sera encastrée et collée, faites d'abord un gabarit en carton, puis enlevez sur le pourtour l'épaisseur de la boite de conserve avant de tracer avec le gabarit sur le bois. Il vaut mieux découper trop grand que trop petit car on peut enlever du bois mais pas en rajouter...
A ce stade vous devez percer le trou de la table d'harmonie, sachant qu' un trou de petit diamètre favorise l'émission des basses et un trou de grand diamètre celle des aigues. Pour un instrument comme la photo ci dessus, un trou de 25mm est un bon compromis.
Ensuite pour encastrer la table dans la boite de conserve, il faut ajuster la table avec une ponceuse ou à défaut une râpe manuelle jusqu'à ce qu' elle rentre légèrement en force dans la boite. Pour un résonateur en calebasse ou coco, l'arasement se fera après le collage de la table sur le résonateur, dont la surface de collage doit être bien plane (une feuille de papier de verre gros grain collé sur une planche de contre plaqué permet de réaliser cette surface plane.
Un bon outil a faire soi même si vous n'avez pas de râpes à bois consiste à coller sur une chute de tasseau une bande de papier de verre toilé avec de la colle néoprène.
La barre de pression
Si vous voulez rester dans la tradition, la barre de pression est "cousue" sur la table avec du fil de fer, dans ce cas un clou de charpentier ( Ø 5 mm )dont vous aurez coupé la tête et la pointe convient très bien.
La" couture" de cette barre se fait avec du fil de fer assez gros, 10 à12/10 mm , après avoir percé la table dans sa partie antérieure et à 90 ° de son axe longitudinal. L'espacement de ces trous est déterminé par le nombre de lames et leur largeur: par exemple pour 9 lames de 4mm de large, 4 trous de 3 mm de Ø espacés de 18 mm, afin de placer les lames par groupe de trois ( dessin ci dessous).
Une solution plus simple consiste à visser des petits pitons ronds fermés directement dans la table et de passer la barre dedans. Risque d'arrachement si la table est en bois tendre à cause de la tension des lames...
Il est aussi possible d'utiliser 4 boulons de 4 ou 5 mm et des écrous papillon correspondant, les écrous sont passés dans les trous de la table par en dessous, avec une rondelle si nécéssaire, et viennent fixer un tube de laiton ou d'alu de 10 mm de diamètre dans lequel on perçera 4 trous au même écartement. Cette technique permet de bloquer les lames en serrant les papillons, solution pratique, mais à mon avis esthétiquement douteuse...
les chevalets
Le chevalet antérieur est un petit tasseau de bois de la même longueur que la barre de pression et de hauteur supérieure d'un ou deux mm aux cales que vous utilisez pour fixer le barre de pression . Sans problème . Ce chevalet n'est pas obligatoire si vous optez pour les écrous papillon.
Le chevalet postérieur dont la longueur est un peu plus grande que la barre de pression afin de pouvoir écarter les lames peut se faire avec:
Un petit tasseau de bois dur de section triangulaire, 10 mm de hauteur pour une sanza de petite taille est une bonne approche.
Ou un tasseau carré de 6 mm, dans laquelle vous creusez une gorge de 1 mm ( a la scie, avec une petite lime ronde genre lime d'aiguisage de tronçonneuse, ou avec une petite gouge en V si vous en avez une) gorge ou viendra se loger un petit fer rond de 4 mm de Ø.
Un petit fer plat de 1 mm d'épaisseur et de 10 ou 12 mm de largeur dont vous replierez les deux extrémités sur 3 ou 4 cm après avoir pratiqué des encoches à ses extrémités afin de pouvoir le bloquer avec la barre de pression est très efficace, mais techniquement plus difficile à réaliser : ce type de fer plat se trouve dans les magasins spécialisés et pour faire les encoches une scie bocfil ou une meuleuse est nécessaire...
Les lames
Si un jour vous voyez un vieux râteau à feuilles abandonné, prenez le et gardez le précieusement, l'acier souple des dents est excellent pour les lames de sanza...
Un autre matériau excellent est la corde à piano, à partir de 15/10 mm de Ø martelée à froid. Si vous n'avez pas d'enclume, ce qui est probable, une tête de massette peut en faire office.
Sinon vous pouvez aussi utiliser des rayons de vélo ou de mobylette martelés à froid pour les aplatir et les durcir un peu, c'est ainsi que sont souvent faites les lames en Afrique. Vous pouvez aussi , si vous avez une meuleuse, découper des bandes de métal dans une vieille lame de scie a bois, travail bruyant , nécessitant des protections auditive et oculaire, gare également aux coupures avant l'ébarbage!
Faites un essai de montage avec une lame dont vous pensez la longueur correcte, accordez la sur la note la plus grave que vous voulez pour votre instrument, coupez là à 2 cm au delà du chevalet antérieur, puis coupez vos autres lames de taille décroissante, de 5 en 5 mm par exemple.
Ensuite, il vous faudra ébarber et polir le bout des lames, afin que celles ci ne vous arrachent pas la peau des pouces quand vous jouerez: petite lime a métaux, toile émeri de gradation de plus en plus fine , de cette opération dépend le confort de jeu...
Avec une petite pince ronde, recourbez le bout des lames, très légèrement et en douceur du coté postérieur, plus franchement du coté antérieur afin de pouvoir les rentrer en force sur le chevalet antérieur lors du montage.
Dans tous les cas, une fois que vos lames sont prêtes, les passer au four jusqu'a ce qu'elles bleuissent leur donne du nerf.
Si tout ça vous parait compliqué, je peux vous proposer des kits de lames de sanza prêtes au montage.
monter les lames
Pour faciliter le montage des lames, je vous conseille de coller le chevalet antérieur avec deux gouttes de cyanolit à environ 1 cm de la barre de pression. placez le chevalet postérieur et rentrez en force la lame centrale, avec une pince si nécéssaire. Placez ensuite l'avant dernière puis la dernière lame de chaque coté, ceci afin que la tension s'exerce dès le départ sur toute la barre de pression et pas seulement au centre.
Montez ensuite la deuxieme, troisième lame, etc...
Lorsque toutes les lames seront montées, vous constaterez probablement que les lames centrales "frisent" et ne tiennent pas bien, car sous la tension, la barre de pression est remontée. Enlevez ces lames, et tordez les afin qu'elles redeviennent plates, puis remontez les.
Ces indications concernent les sanzas avec une barre de pression tenue par une ligature. Pour un montage avec vis et papillons, c'est très simple, engagez lez lames sous la barre, et quand elles sont en place, serrez...
en guise de conclusion
J'espère que les conseils et pistes ci dessus pourront vous aider à réaliser votre instrument, mais pour chaque étape vous pourrez bien sûr imaginer d'autres solutions ou vous inspirer de modèles existants,.
Quelle que soit la technique et les matériaux que vous utiliserez, l'essentiel à mon idée est que " ça sonne" à votre oreille et que lorsque vous jouerez votre instrument, vous fassiez corps avec lui, corps et âme...